La visite des mines de Potosi... impossible de vous décrire cela, c'est vraiment une expérience qu'il faut vivre pour se rendre compte des conditions épouvantables dans lesquelles les mineurs travaillent encore aujourd'hui ici, en Bolivie. Ces mines se visitent uniquement en passant par une agence et donc c'est en groupe touristique (heureusement assez restreint) que nous irons, et ce côté quelque peu "voyeuriste" nous mettra mal à l'aise durant toute l'après-midi.
Le pire, c'est que l'argent que nous versons à l'agence ne revient pratiquement pas aux mineurs, c'est de l'exploitation touristique sur leur dos... Pour faire passer la pilule auprès d'eux, les guides nous invitent à acheter différents produits au marché des mineurs (de la dynamite !!! des feuilles de coca, des boissons, cigarettes...) pour leur offrir dans la mine. D'accord, c'est mieux que rien mais nous resterons quand même choqués par la manière dont se déroule le tourisme ici.
Après le marché nous enfilons l'équipement complet pour pouvoir entrer dans la mine et grimpons vers le Cerro Rico (la colline riche) cette montagne surnommée la femme noire, femme parce que c'est elle qui donne la vie, permet de nourrir les hommes, et noire parce que ce sont essentiellement des hommes noirs qui ont travaillés dans ces mines d'argent (aujourd'hui ce sont des filons d'étain qui sont exploités) depuis le début de leur exploitation au dix-septième siècle.
Quelques hommes sortent de la mine en poussant un énorme chariot qui pèse une tonne (vraiment une tonne), et ils ne sont que quatre pour cela. Ils sont là depuis trois heures ce matin nous disent-ils et finissent leur journée, ce sont les derniers hommes qui sortiront aujourd'hui de cette mine. Le Cerro Rico compte ainsi 120 mines différentes dans lesquelles travaillent environ 6000 mineurs.
Nous pénétrons dans la mine où il fait très froid et noir bien sûr et où l'eau nous arrive parfois jusqu'aux chevilles.Mais rapidement notre guide nous propose d'en rejoindre une autre puisque nous ne pourrons pas observer le travail des mineurs dans celle-ci.
Nous rejoignons en bus une autre entrée à côté de laquelle se trouve quelques maisons dont les murs sont recouverts de sang de lama. Ces traces datent certainement du 01 Août dernier car tous les ans à cette date les mineurs tuent des lamas pour offrir leur sang à Pachamama, la Terre-Mère, cette déesse qui est considérée par les Indiens comme un être vivant et représente la fécondité et la source des biens matériels. Pour s'attirer ses faveurs et assurer la sécurité et la rentabilité de la mine, les mineurs badigeonnent ensuite les parois de la mine de ce sang.
Cette fois nous nous enfonçons beaucoup plus profondément dans la mine et les conditions sont difficiles, il faut avancer complètement courbés, il est parfois difficile de respirer et d'effectuer des efforts à cette altitude, comment imaginer que des gens passent 10h par jour ici... Nous croisons El TÃo, la déesse protectrice des mineurs entourée des nombreuses offrandes (feuilles de coca, alcool...) que ceux-ci déposent à côté d'elle.
Plus tard il devient de plus en plus difficile de respirer, la poussière, les odeurs d'amiante et de carbure de calcium nous prennent à la gorge et nous font suffoquer, il fait de plus en plus chaud (jusqu'à 35 degrés) et pourtant nous croisons un premier groupe de mineurs travaillant dans ces conditions, dont certains paraissent assez jeunes. Ils poussent des chariots remplis d'une tonne de matériaux qu'ils déversent à terre pour remonter ensuite ces minéraux dans des espèces de grandes marmites qu'ils tirent à l'aide de cordes. Mon Dieu, c'est Germinal au vingt-et-unième siècle, et même pire que cela... Les méthodes de travail sont archaïques, les outils usés sans parler des hommes qui mâchent des feuilles de coca toute la journée pour tenir ainsi sans manger.
La poussière, la chaleur, l'odeur, des efforts insensés sans arrêt, nous avons l'impression d'avoir changé de siècle. Ici l'espérance de vie est de 45 ans, les conditions de travail favorisent d'innombrables maladies, aucune protection sociale n'est assurée bien sûr et les salaires ne sont pas très élevés... Et nous qui sommes là à observer cela et à prendre ces personnes en photos, je vous jure que dans ces cas-là on est pas fiers d'être touristes et de voir la manière dont se déroulent ces visites. Heureusement nous avons un peu de matériel, de la coca et des boissons à leur offrir, mais ça paraît tellement dérisoire qu'on voudrait rentrer sous terre, même si en même temps il nous semble important de témoigner sur ces conditions de travail.
Une visite bouleversante, des instants qui marquent tout comme le visage de ces hommes épuisés tout en étant également fiers de leur travail qui se transmet de génération en génération, ici tout le monde est mineur.
Ils prennent quelques instants pour nous parler un peu, expérience étrange qu'un groupe de touristes qui rencontre ici ces mineurs d'un autre monde...
Nous les laissons à leurs travaux et passons par un passage très étroit pour rejoindre d'autres galeries et un autre mineur qui, seul, trie les minéraux en fonction de leur qualité. Il s'agit là de la dernière étape du travail dans la mine, certes moins dangereuse que le travail à la dynamite ou au marteau-piqueur, mais quelles conditions là encore, l'air est quasimment irrespirable...
Nous ressortons tous chamboulés, avec l'impression d'être entrés dans un mauvais film, et pourtant non... Ouf, de l'air frais... Notre guide a gardé un bâton de dynamite pour nous montrer comment se déroule l'explosion, effectivement c'est quelque chose !
Nous rentrons en ville et tentons de retourner à la vie "normale" en discutant avec nos compagnons de voyage d'une après-midi, presque tous français. Parmi eux deux couples qui font le tour de l'Amérique du Sud en campig-car, ceux que nous avions croisé à Sucre, et un couple bien sympa qui fait un tour du monde et avec qui nous accrocherons bien les jours suivants.