Cinq heures trente du matin et pas bien frais après avoir passé la nuit dans le bus, nous débarquons à Rio de Janeiro. Premières images de la ville à travers les vitres du taxi : le Pain de Sucre au loin et les nombreuses collines (appelées morros) où s'étendent les favelas dominées par le Christ rédempteur du Corcovado. Première impression plutôt déroûtante et dérangeante à l'heure où seuls les plus démunis se retrouvent dans les rues.
Tout au long des trois jours que nous passerons ici c'est cette impression de contradiction permanente qui nous suivra : la ville enchante par sa beauté géographique, ses baies et plages qui semblent s'aligner à l'infini, et heurte à la fois par l'injustice qu'elle abrite (20 % des habitants vivent au sein de favelas). Les quartiers chics et branchés sont tous surmontés de favelas dépouillées, le luxe et le dénuement se côtoient et se frôlent dans une affligeante banalité...
Nous nous installons dans le quartier tranquille de Flamengo, notre point de départ quotidien pour visiter la ville en partie par le biais d'une agence (certains quartiers et sites touristiques sont vraiment déconseillés sans être accompagné), en partie par nous-mêmes en utilisant les bus et le métro. Allez, suivez-nous pour une petite visite décousue et non exhaustive...
Pour comprendre la géographie exceptionnelle au sein de laquelle s'est bâtie la ville, rien ne vaut la vue depuis le Pain de Sucre. Mais d'abord, voici un premier aperçu depuis le sommet du premier téléphérique, le Morro Urca.
C'est bien sûr de tout en haut (à 400m de hauteur), depuis le Pain de Sucre lui-même, que la vue devient réellement exceptionnelle... A 360 degrés autour de nous se dévoile un paysage valloné offrant une succession de baies magnifiques et de plages semblant étendre leur sable blanc à l'infini... Rio de Janeiro, la plus belle ville du monde ? Peut-être bien...
L'harmonie qui se dégage de cet environnement est saisissante. Copacabana, Ipanema, Flamengo... autant de noms évocateurs et mythiques des plus belles plages qui s'étendent comme si de rien n'était en pleine ville. Le Christ rédempteur du Corcovado, bras grands ouverts sur le ciel, domine cet ensemble merveilleux. Que dire de plus ? Laissons les images parler d'elle-mêmes...
Retour à terre, direction la plage d'Ipanema pour s'imprégner un peu de l'ambiance des bords de mer. Plage chic, très belle et longue, ambiance plutôt détendue, rien de bien différent avec toutes les autres plages du monde en définitive... Certes, moins mythique que Copacabana (la plus longue, qui s'étend sur 4 km), cette plage est cependant bien plus belle et très appréciée des Cariocas (les habitants de Rio de Janeiro). Allez, c'était juste pour voir, les plages surpeuplées en ville ne nous attirent pas vraiment...
Pour la suite, on vous propose une petite visite du centre-ville en deux temps. Le premier jour (dimanche), mieux vaut être accompagné et ne pas trop s'attarder, les rues ne sont pas rassurantes et plutôt désertes en ce week-end (tout est fermé). Un rapide arrêt à la cathédrale Métropolitana à l'intérieur de laquelle s'élèvent quatre vitraux magnifiques de différentes couleurs, et on s'en va vite...
Le lendemain, les rues sont beaucoup plus animées et, s'il vaut toujours mieux éviter de se rendre dans certains quartiers, l'ambiance en général est toute autre. Tout est ouvert, les gens se pressent vers les commerces, mangent un morceau debout dans les nombreux petits stands de nourriture, le marchés d'artisanat et textiles s'installent... Ça grouille, ça vit et au gré de notre balade dans les petites rues pavées du quartier piéton du Centre, nous découvrons de beaux édifices coloniaux, églises et le Palais Impérial superbement conservé, côtoyant sans complexe les immenses buildings de verre. Une chouette rencontre avec le coeur de la ville, loin du culte de l'apparence et du bronzage qui règne sur les plages. Désolés pour le peu de photos mais ici la discrétion est de mise...
La plage, le carnaval, le foot... trois éléments indissociables de la vie de beaucoup de Cariocas. Il y a quelques semaines encore, les écoles de samba, après des mois de répétition, défilaient sur le sambadrome dans des nuits entières de folie, parfois jusqu'à 10h du matin... Tout s'est éteint désormais, lumières, strass et paillettes sont retournés dans les cartons jusqu'à l'an prochain et ce sont des gradins complètement vides qui nous entourent, même s'il suffit de fermer les yeux pour imaginer et laisser le carnaval envahir notre esprit et les lieux... Mais l'animation est belle et bien ailleurs aujourd'hui, les Cariocas se défoulant et se déchainant sur les gradins du stade de foot du Maracanã, immense avec ses 200000 places environs, pour assouvir leur deuxième passion : le foot.
Pour certains du moins, ceux qui ont les moyens de s'offrir leurs rêves. Car Rio de Janeiro c'est également, ou surtout peut-être, 37% de la population qui vit dans la misère et à peu près autant dans la plus grande pauvreté ; ceux qui sont relégués là -haut, sur les morros, au dessus des quartiers chics. Beaucoup voudraient les oublier, mais impossible de baisser toujours les yeux pour ne pas voir cette misère qui domine la ville et la confronte ainsi à sa réalité...
Encore une fois, Rio et ses contradictions... face à la misère la plus extrême s'étend l'un des paysages les plus grandioses et les plus touristiques du monde, celui qu'offre la vue aux pieds du Christ rédempteur du Corcovado. Pour y accéder, nous traversons la forêt de Tijuca, la plus grande forêt tropicale urbaine qui soit. Puis nous y voilà , à 710 m d'altitude, aux pied de ce Christ qui domine la ville. Cinq ans de travaux furent nécessaires pour réaliser ce chef-d'oeuvre de 38 m de haut qui pèse pas moins de 70 tonnes ! Et quelle vue, splendide ! En face, le Pain de Sucre puis, à perte de vue, le plages et les différents quartiers de la ville de Rio qui s'étendent indolemment par dessus les collines.
Tout est là , la mer, les montagnes, la jungle, la beauté farouche... sans oublier la pauvreté qui s'accroche sur les morros. L'enchantement, l'éblouissement devant cette géographie superbe, aussitôt contrebalancé par l'incompréhension devant les fléaux sociaux qui la ravagent.
Quelle ville, quelle découverte ! Courte, incomplète c'est sûre car Rio fait partie de ces villes où il faut vivre pour les comprendre. En visitant rapidement la mégalopole, on a l'impression de plusieurs villes en une, de changer complètement de monde en même tant que de quartier tant ceux-ci sont différents entre-eux. C'est sûrement cela qui intrigue et éveille l'intérêt et la curiosité, la capacité de cette ville à se réinventer sans cesse, à s'adapter aux événements, lieux et ambiances du moment, à laisser apparaître au visiteur de passage toutes ses richesses et toutes ses contradictions.